La longue marche, jalonnée de crimes, de l’antisémitisme
En octobre 2002, l’Express affichait en couverture « Le désarroi des juifs de France » et présentait un article complet sur les citoyen(ne)s de confession juive, confrontés à la montée d’un antisémitisme que l’on croyait relégué aux bas-fonds de l’Histoire, et à un silence « retentissant » d’une grande part du monde politique, médiatique, associatif et tout simplement de l’opinion publique.
Peu de temps après, l’éditorialiste Joseph Macé-Scarron publia dans Paris Match un éditorial suite à la profanation du cimetière de Herrlisheim où il dénonçait ce même silence et parlait d’un constat d’échec de l’antiracisme n’ayant pas su enrayer la propagation d’une haine capable de s’adapter à l’air du temps.
C’était il y a plus de 22 ans et depuis la situation n’a cessé de s’aggraver. C’est toujours un crève-cœur que de devoir refaire à nouveau la liste de toutes les blessures endurées.
Depuis plus de 20 ans, les chiffres du ministère sont toujours les mêmes : les actes antijuifs représenteraient un tiers des actes antireligieux alors que les français de confession juive ne sont que 1% de la population française. Avec en toile de fond des discours de haine antisémite diffusés à grands renforts de « réseaux sociaux » et émanant de mouvances telles que Egalité ou Réconciliation ou bien les Indigènes de la République. Des extrémismes que tout sépare, mais qui se retrouvent dans la haine du Juif et de la République française.
Depuis 20 ans, nous avons vu s’allonger la liste des Français assassinés parce que juifs et juives, à commencer par le calvaire d’Ilan Halimi, le « canari dans la mine », qui n’aura pas été « un signal d’alarme » comme l’avait tant souhaité sa mère dévastée par la douleur. Le massacre 6 ans plus tard de l’école Ozar Hatorah de Toulouse, où des enfants furent assassinés parce que juifs, n’a pas non plus réveillé une opinion publique, certes sans doute compatissante, mais hélas largement acquise à l’idée qu’il ne s’agissait que « d’un acte isolé ». Rares sont ceux qui, à l’instar de Pascal Bruckner, ont eu la lucidité d’y voir une « répétition générale » des moments d’horreur que nous allions vivre dès janvier 2015 (https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/mohamed-merah-rep)
Les terroristes islamistes s’en prennent non seulement « aux juifs, mécréants, et blasphémateurs » mais également à toute la population civile pour peu qu’elle soit présente dans un bar, une salle de spectacle ou un feu d’artifice. Et tandis que la liste des attaques islamistes et des victimes ne cesse de s’allonger, nous voyons se développer un discours de retournement victimaire plein d’empathie pour les terroristes qui sont décrits comme des « pauvres gars déséquilibrés » ou des « laissés-pour-compte d’une injuste société » et plein de mépris pour les victimes au mieux effacées, au pire accusées de l’avoir cherché.
Depuis plus de 20 ans, des sociologues, chercheurs, responsables associatifs et autres organisations veulent nous faire croire que l’origine des attentats c’est la France forcément raciste, la laïcité forcément islamophobe, la société forcément injuste, l’inconscient gaulois forcément « colonial », le covid, le cannabis, le chômage, les tweets de Trump et le réchauffement climatique, bref la terre entière est coupable…sauf le terroriste lui-même ainsi que l’idéologie islamiste jamais nommée en tant que telle.
Depuis plus de 20 ans, les lanceurs d’alerte sur la montée de l’islamisme radical et de son cortège de sexisme, homophobie, antisémitisme, anti-laïcité, haine des policiers, etc…sont aux mieux ignorés avec un mélange de condescendance et d’accusation fallacieuse (sur l’air de « vous faites le jeu de l’extrême-droite), au pire ciblés par des haineux qui les menacent de mort via les réseaux sociaux.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’assassinat de Sarah Halimi, dans la nuit du 03 au 04 avril 2017.
Tout est désespérant dans ce drame : l’inaction totale des 20 policiers présents sur place alors que Madame Halimi est rouée de coups pendant ¾ d’heure, la passivité du voisinage (personne pour aller secourir une vieille dame ?), l’indulgence de la justice sous prétexte d’« abolition du discernement »t l’insupportable impunité de l’assassin de Sarah Halimi, l’omerta médiatique pendant presque 3 mois. Le peu d’articles consacrés à cet assassinat en parlait comme d’un « drame qui émeut la communauté juive ». Faut-il comprendre le reste de la nation n’aurait pas à se sentir concernée car au fond les juifs de France ne seraient pas tout à fait français, comme l’insinua Raymond Barre et sa scandaleuse sortie au moment de l’attentat de la rue Copernic ?
Non ! L’assassinat barbare de Sarah Halimi nous oblige à continuer d’exiger que justice soit faite et que cesse cet aveuglement qui semble avoir gagné une partie de l’opinion publique. Que faudrait-il pour que se dessillent les yeux de nos compatriotes et qu’elles et ils comprennent que pour les islamistes qui “chérissent la mort” comme nous la vie et haïssent les valeurs que nous défendons, il n’y a pas d’un côté des « Français innocents » et de l’autre des « gens qui l’auraient un peu cherché » ?
N’hésitons pas à le dire haut et fort.
En 2004, Joseph Macé-Scarron terminait son éditorial par ces mots : « Les Juifs de France expriment à qui veut bien l’entendre une inquiétude réelle pour l’avenir du pays. Ils ont mal à la France et pour la France ».
21 ans plus tard, la douleur est encore plus présente, avec aussi l’espoir d’assister à un sursaut…mais pour combien de temps.
Thomas Dresler