Tribune : Autopsie d’une mini désinformation

A l’écoute de France Info, une des stations de Radio France, ce vendredi 10 décembre,  date de la “Journée Internationale des Droits de l’Homme”, j’ai eu droit à une nouvelle, une nième, illustration de manque d’objectivité.

Faut-il  se  soucier de ce qui n’a pris que quelques petites minutes d’antenne, goutte d’eau dans le flot continu des “infos” ?

Oui car, pour être express, furtive, light, la désinformation n’en est pas moins nocive.

Je voudrais bien  m’adresser directement au journaliste concerné mais ce dernier m’a bloquée sur les réseaux sociaux à la suite d’une précédente réaction de ma part.

Plutôt que de me taire, je souhaite partager ma micro-expérience avec qui voudra bien lire ce qui suit.

Le sujet abordé était la campagne annuelle menée par Amnesty International autour du 10 décembre, “Marathon des Lettres” ou opération  ” 10 jours pour signer” dans  le but de sauver 10 personnes menacées pour leur défense des droits humains.

J’avais déjà interpellé Amnesty sur leurs critères de sélection puisque des pays où se produisent les pires violations des droits humains comme l’Iran, le Pakistan ou l’Afghanistan sont oubliés mais qu’Israël figure parmi les 10 “élus”.

 Leur réponse ne m’a guère convaincue et je n’ai pas participé à leur campagne.

France Info présente une rapide interview d’un représentant d’Amnesty, qui va être  suivie de l’interview de l’une des 10 personnes qu’il faut sauver.

Et c’est la jeune Palestinienne qui est interviewée par l’envoyé spécial permanent de radio France à Jérusalem, Frédéric Métézeau.

Certes, c’est plus facile que d’aller interviewer au Belarus ou en Chine.

Donc, à Nabi Saleh, village de Cisjordanie, il interviewe Janna Jihad, lycéenne de 15 ans célèbre pour ses petits reportages.

Janna, enjouée, moderne, positive, témoigne de son malheur. Elle évoque les descentes nocturnes de l’armée israélienne, les brimades, l’oppression subie par son village. Elle-même, pauvre gamine, est harcelée par les autorités israéliennes. Elle a même reçu des menaces de mort !

Son récit est émouvant et  révoltant. Normalement je devrais être profondément touchée et furieusement indignée par le cruel acharnement de ces brutes d’Israéliens contre de paisibles villageois et surtout contre des enfants !

 Seulement il se trouve que je suis informée par d’autres sources que France Info.

Il se trouve que je sais que Nabi Saleh est un haut lieu de la mise en scène d’affrontements avec l’armée israélienne, avec pour spécialité l’envoi d’enfants au contact.

Je sais aussi que Nabi Saleh, fief du puissant clan Tamimi, compte déjà deux célébrités  : la terroriste du Hamas Ahlam Tamimi, organisatrice  de l’attentat “suicide” de la pizzeria Sbarro de Jérusalem en août 2001 et aussi sa photogénique petite cousine blondinette Ahed Tamimi, bien plus connue du public français. 

Si je le sais c’est que, solidaire de toutes les victimes du terrorisme, j’ai entendu en 2004 à La Haye le père d’une des jeunes  victimes de l’attentat de la pizzeria Sbarro. 

En juillet 2002, Amnesty International avait publié un rapport (aujourd’hui introuvable) qualifiant de crimes contre l’humanité  les attentats massifs et meurtriers qui visaient les civils israéliens. Human Rights Watch puis Médecins du Monde avaient ensuite publié des rapports similaires – tout aussi introuvables aujourd’hui.

Comme d’autres ONG, Amnesty et Human Rights Watch ont depuis fait le choix du compromis avec l’islamisme.

La condamnation d’Israël et des Israéliens, au nom bien sûr de la défense de la cause palestinienne,  est un marqueur fondamental de ce compromis.  La condamnation  de la laïcité à la française  “islamophobe” en est un autre.

Triste évolution d’organisations dont la création avait suscité tant d’espoir pour la défense des droits humains universels.

Retour à la Haye : l’adolescente dont le père témoignait s’appelait Malki Roth.

Elle avait 15 ans quand elle fut tuée, avec son amie Michal et plusieurs autres enfants et des adultes, consommateurs de pizzas ciblés parce que juifs.

Ses parents vivent  toujours à Jérusalem, ils sont remarquables de dignité et de constance dans le refus de l’impunité de la meurtrière de leur fille.

 Arnold Roth a participé à Paris à deux conférences internationales contre le terrorisme organisées par le MPCT (1) aux côtés de victimes du terrorisme, d’Espagne, d’Italie et d’Algérie.

Ahlam Tamimi coule des jours heureux en Jordanie où sa notoriété ne faiblit pas.

Loin d’exprimer le moindre regret pour la mort d’enfants, elle sourit de satisfaction  à l’évocation du bon score qu’elle avait réalisé.  

Israël a hélas cédé au Hamas qui exigeait l’inclusion de cette vedette dans le  gros paquet de terroristes palestiniens libérés en échange de l’otage Guilad Shalit.

Frédéric Métézeau est bien informé. Il sait que le terrorisme palestinien est endémique.

Ce n’est qu’au prix de mesures de sécurité drastiques qu’il a été contenu mais les attaques perdurent jusqu’à aujourd’hui, ciblant et faisant des victimes juives en Israël et en Cisjordanie.

Le  journaliste s’est pourtant abstenu de le dire, de contextualiser le narratif de Janna.

Cela aurait permis de comprendre que ce n’est pas par pur sadisme que les soldats israéliens réveillent des gens en pleine nuit mais parce qu’ils sont à la recherche de terroristes auteurs ou complices de crimes ou bien sur le point de commettre des attentats.

Je n’ai rien contre Frédéric Métézeau. Il n’est nullement antisémite et a récemment publié le récit de la vie d’une octogénaire israélienne rescapée de la Shoah.

Simplement il suit le mouvement, comme la France à l’ONU.

La diabolisation d’Israël est une vraie chape de plomb idéologique et plaider pour l’objectivité est un travail épuisant. Rares sont les journalistes qui on le courage de le faire.

Je ne saurais trop conseiller à Frédéric Métézeau d’aller rencontrer Arnold et Frimet Roth.

Ils lui parleraient de leur engagement humanitaire, de la fondation qu’ils ont créée en souvenir de Malki pour aider les familles d’enfants lourdement handicapés – comme l’est leur plus jeune fille à laquelle Malki apportait amour et assistance. 

Ils lui parleraient aussi de leurs efforts pour que la terroriste Tamimi soit extradée vers les Etats-Unis, pays de naissance de la mère de Malki, pour y être jugée.

 Leurs efforts sont jusqu’ici restés vains, ni les Etats-Unis ni Israël ne souhaitant embarrasser la Jordanie.

Permettre l’extradition de terroristes serait pourtant  la preuve que ce pays est bien l’allié qu’il proclame être dans la lutte contre le terrorisme.

Outre Ahlam Tamimi, la Jordanie héberge et refuse d’extrader vers la France  le cerveau présumé de l’attentat Goldenberg, Zouhair Mouhamad Hassan Khalid al-Abassi ainsi qu’un autre suspect, Nizar Tawfiq Mussa Hamada.

 Pour revenir à Janna Jihad, il est épouvantable qu’elle ait reçu des menaces de mort et on a raison de s’en indigner.

 Mais point n’est besoin d’aller si loin pour trouver des jeunes filles menacées de mort. Il y en a hélas en France !

Amnesty aurait pu s’intéresser à la jeune Mila.

Contrairement à Janna, elle n’a pu continuer à aller au lycée, exclue de fait de l’enseignement et condamnée à la clandestinité !

On  peut se demander pourquoi elle n’a pas été sélectionnée parmi les 10 personnes à sauver.

Huguette Chomski Magnis

(1) Mouvement Pour la Paix et Contre le Terrorisme