Retour sur l’affaire Mila : deux textes

Le Point opère un retour salutaire sur le scandale Mila en donnant la parole aux parents de la jeune lycéenne  qu’on avait un peu oubliée depuis  la pandémie et la fermeture des établissements scolaires.

Alors que la justice suit son cours, les parents de Mila dénoncent l’inaction de l’école et interpellent la proviseure de son ancien lycée.

Ancien en effet, puisque selon un schéma devenu coutumier,  c’est l’élève harcelée qui a du quitter l’établissement où les harceleurs restent scolarisés.

Prime à la menace et à la terreur, instauration tacite d’un crime de lèse -Islam  !

L’avocat de la famille, Maître Richard Malka, l’exprime ainsi :

« Cette affaire illustre le renoncement général, en particulier de l’Éducation nationale, à enseigner la liberté d’opinion et d’expression. On tolère l’intolérable pour ne pas faire de vague.»

https://www.lepoint.fr/societe/mila-face-a-la-terreur-les-parents-denoncent-l-inertie-de-l-ecole-17-06-2020-2380298_23.php

On ne saurait trop recommander la lecture de l’ouvrage de soutien à Mila publié début mars aux Editions Seramis à l’initiative de Zohra Bitan :

 

Nous publions ci-après la contribution à ce livre d’Huguette Chomski Magnis, secrétaire générale du MPCT, rédigée le 6 février, suivie du texte qu’avait écrit à la même période Thomas Dresler, responsable communication du MPCT.

V . Wilson

 

                         Pour Mila, par Mila : être ou ne pas être        

   6 février 2020

 Le 7 janvier 2015 au soir, nous étions des milliers place de la République, à scander en brandissant nos  crayons  “Je – suis – Charlie”,  cri d’amour de la liberté d’expression,  volonté plus ou moins consciente, surgie de la foule,  de résister au terrorisme islamiste.

 

Depuis, il nous a fallu “être” tant de gens, tant de villes … Jusqu’à nous lasser de ce rituel des réseaux sociaux, devenu aussi insatisfaisant que les allumages/ extinctions de la Tour Eiffel, les fleurs et les bougies. En vérité il a accompagné  notre frustration devant  l’impuissance à endiguer la vague sanglante qui a continué à déferler sur le France et le monde.

 

Par Mila, nous  avons une illustration  des effets dévastateurs de la peur des attentats pour la liberté d’expression.

 

Quand, le 18 janvier, cette très jeune fille subit d’infâmes menaces de mort et de viol,  le devoir d’être auprès d’elle, devant elle, pour la protéger  inconditionnellement , aurait dû être évident pour tout le monde.

 

Provoquée, grossièrement insultée comme homosexuelle, elle a en retour insulté les religions et très explicitement l’Islam.

Ses propos ont pu offenser les croyants et le bon goût mais nous sommes en France, en démocratie.

La condamnation à mort pour blasphème, qui doit révulser la conscience universelle, c’est ailleurs ! En République Islamique du Pakistan, qu’Asia Bibi a pu fuir mais où l’universitaire Junaid Hafeez a été condamné à la pendaison en décembre dernier, au nom de la Loi du blasphème.

 

Non, en France le délit de blasphème n’existe pas.  Et cependant , un sondage IFOP pour Charlie Hebdo indique un clivage inquiétant, un pays dangereusement divisé avec  47 % des sondés pour dire “Je suis pas Mila”.

 

Il ne  fait que confirmer la terrible non-assistance à Mila en danger  que l’on a constatée.

 

Le  délégué général du Conseil français du culte musulman osa asséner  : “Elle l’a cherché, elle assume. “

 

Au lycée de Mila, ses camarades ont dit être choqués par ses propos, pas par les menaces de mort proférées contre elle. De sacrés camarades !  D’autres élèves pensent sans doute autrement mais n’osent le dire.

Le Rectorat a proposé d’accompagner Mila pour lui apprendre à mieux utiliser les réseaux sociaux.  Comment éviter les menaces de mort !

 

Que l’administration de son lycée ait estimé ne pas pouvoir assurer sa sécurité en dit long sur la peur paralysante qui règne. Car enfin ce sont les élèves menaçants qui doivent être exclus, pas celle qui est menacée !

Hélas, il y a tous les précédents d’élèves harcelés, élèves juifs en particulier, contraints de quitter leurs établissements.

Silence des syndicats enseignants, étudiants et lycéens.  D’accord, ils ont d’autres chats à fouetter, mais pas au point d’en faire MOINS que le Ministre Blanquer qui a eu la décence d’exprimer sa solidarité à la lycéenne !

 

Faute de délit de blasphème,  le Parquet s’était, lui, cru obligé d’engager des poursuites totalement infondées pour “incitation à la haine raciale” contre Mila, comme pour se faire pardonner de poursuivre les auteurs de menaces de mort !

 

Odon Vallet, historien des religions et vrai  philanthrope, déclara  le 30 janvier ” si on continue à injurier l’Islam, on aura prochainement des attentats contre des Français en France ou dans des pays d’Afrique”. Comment interpréter ses propos ? Sage appel à la prudence ou justification anticipée d’attentats islamistes ?

 

 Le plus grave à mes yeux de militante associative est l’abandon qui entache des organisations emblématiques de la lutte contre les violences  faites aux  femmes.

 

“Nous toutes”  …  mais plutôt sans Mila. “Osez le féminisme” n’ose pas trop. Même “Ni putes ni soumises” communique à l’envers  – d’abord on blâme les propos de Mila, ensuite on condamne les menaces.  Triste à pleurer quand on a connu les espérances portées par le mouvement présidé par des femmes de la trempe de Fadela Amara ou Sihem Habchi.

 

Il faut d’autant plus saluer les organisations authentiquement féministes universalistes  qui sauvent  l’honneur  en défendant Mila haut et fort : la Ligue du Droit International des Femmes; Regards de Femmes et Libres MarianneS. 

 

Tout n’est donc pas perdu !

 

De nombreuses personnalités ont su choisir d’emblée la défense de la liberté d’expression, comme  la formidable Zineb El Rhazoui, elle-même constamment menacée,  Audrey Pulvar ou Ghaleb Bencheikh.

 

Mila et sa famille sont sous protection policière et Marianne Schiappa a communiqué son soutien dès le 24 janvier.

 

Le 3 février Mila s’est exprimée publiquement dans  une émission de télévision.

Elle  s’est avérée sage, réfléchie, intelligente et bougrement courageuse. Elle n’entend pas se laisser terroriser et énonce cette  simple  vérité : “Je n’ai pas à me cacher, je n’ai rien fait de mal. ”

A 16 ans Mila incarne la dignité  que tant d’adultes ont choisi d’abandonner. 

Le 8 mars ne l’oublions surtout pas !

 Quant à la semaine  du 18 au 24 mars “Tous unis contre la haine” qui vise à faire  “acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité” elle ne fera sens que si Mila est à l’agenda.  Un beau défi !

 

Huguette Chomski Magnis,

Secrétaire générale du MPCT, Mouvement Pour la Paix et Contre le Terrorisme

 

Je soutiens Mila

 

Je soutiens Mila, cette jeune fille menacée de mort sur les réseaux sociaux par une meute de haineux tout cela en raison des propos qu’elle a tenus sur l’islam lors d’une conversation des plus houleuses avec un autre internaute.

Le croyant a parfaitement le droit d’être choqué  et outré par ses propos, il a le droit de s’indigner qu’on porte atteinte à son « sacré ». Mais il doit se rappeler également que son « sacré » n’a de sens que pour lui et de fait la république et les lois de la république ne défend ni culte ni dogme ni idéologie, aucune d’entre elles ne sont sacrées ce sont les personnes qui le sont. Nul n’a le droit d’insulter ou de violenter les individus, en revanche on peut s’en prendre aux idées, fut-ce de manière “bourrin”….

Or Mila n’a menacé personne et n’a nullement appelé à la chasse à l’homme envers tel individu ou tel groupe en raison de son appartenance religieuse et ethnique. Elle a juste dit « l’islam c’est de la merde » sans désigner à la vindicte populaire les personnes de confession musulmane ni même en les appelant à abandonner leurs convictions. Sa formulation n’était peut-être pas super-élégante, loin s’en faut, mais au final elle n’a pas violé la loi. A l’inverse il me semble que ce sont bien ses détracteurs sur les réseaux dits sociaux (mais pas forcément sociables) qui ont allégrement bafoué les valeurs de la république et les règles de civisme élémentaires via des appels au meurtre, viol, lynchage, diffusion de son adresse personnelle, etc..

Et je suis effaré d’entendre les réactions de plusieurs responsables politiques au sujet de cette affaire, notamment la garde des Sceaux et Ségolène Royal qui se sont davantage indignées des propos de Mila que des menaces de mort dont elle est la cible depuis presque 3 semaines. A les entendre, Mila aurait eu une « attitude insultante envers la religion » qui justifierait presque son ostracisation. Le fait que le Parquet avait décidé d’instruire une mise en accusation à l’égard de la jeune fille pour « provocation à la haine raciale » (heureusement classée sans suite) en dit long sur une tendance des plus inquiétante :serait-on en train de réintroduire le délit de blasphème sinon dans nos loins, du moins dans nos comportements ? Blasphème modéré mais blasphème quand même….

Si c’est le cas, j’aime autant vous dire que la mise en application de ce délit risque d’être des plus ardu : qui définira, et sur la base de quels critères, que tels propos sera jugé « insultant » envers la religion ? D’ailleurs qui dit Religion dit religions, multiples confessions, doctrines, livres saints, prophètes, messies : avez-vous songé que ce qui pourrait être perçu comme « sacré » pour une foi ne le serait pas pour une autre ? Autant dire que les arbitrages à venir vont être des plus inextricables, sans compter que la catégorie « religions » peut contenir moult prétendants au titre, entre les fois dites révélées (judaïsme, christianisme, islam) les philosophies orientales (bouddhisme, shintoïsme, hindouisme) et les religions dites séculières (politique, sport, cinéma, etc…).

Entre la virulence des intégristes en herbe sur les « réseaux sociaux » appelant au quasi-lynchage d’une personne et la faiblesse coupable et capitularde des pouvoirs publics qui pratique un véritable retournement victimaire (la personne sur laquelle on s’acharne aurait mérité son sort et cela permet ainsi de ne pas à avoir à affronter la foule des haineux), nous risquons de voir le « vivre-ensemble » être malmené (et c’est déjà le cas) par toutes les susceptibilités idéologico-confessionnelles qui ne toléreront pas qu’on ose toucher à « leur sacré » à eux (mais uniquement le leur) au point de souhaiter la mort du « prétendu blasphémateur ». Et lorsqu’on réalise que Mila, en cet instant, soit non seulement obligée de quitter son lycée mais qu’aucun établissement ne souhaiterait la reprendre car sa sécurité ne serait pas assurée, on croit cauchemarder.

Les chefs d’établissement et l’autorité de l’Etat sont donc arrivés à un tel niveau de démission, de reculade et pleutrerie face à des haineux prêts à recourir au meurtre et au lynchage ? Mais qui fait la loi dans nos écoles et nos quartiers, la République ou toute meute d’intolérants qui manifestement n’étaient pas « Charlie » en 2015 et qui ont dû se dire à leur sujet « Bien fait pour eux » ???

Et tous les prétendus défenseurs de nos valeurs républicaines, du « vivre-ensemble », les soi-disants résistants contre la « haine », où sont-ils en ce moment ? Apparemment ils ne se mobilisent que si et seulement la haine est estampillée « Zemmour » ou « facho » ? Pourquoi Mila n’a-t-elle reçu aucun soutien des mouvements féministes les plus en vogue, toujours prompts à dénoncer la moindre remarque sexiste ? Parce que dans ce cas c’est nettement plus risqué que pour un Weinstein ou Polanski ?

Et notre président qui a trouvé la force de rappeler avec force et panache « Il y a des règles, ici on est en France » lors de sa visite à Jérusalem, qu’attend-il pour appliquer cette cause sur notre propre sol ? Saura-t-il être aussi courageux à défendre notre France républicaine et laïque contre ceux qui imposent leur diktat religieux et leurs intimidations meurtrières ?

On ne peut que méditer cette réflexion dont je ne me souviens plus l’auteur (je l’ai entendu sur le site Licra) : « Ce qui m’inquiète ce sont autant ceux qui disent et commettent le mal que ceux qui les laissent faire ». A plus forte raison quand leur rôle en tant qu’élus, gouvernants et futurs candidats serait justement de les empêcher de nuire….»

Au fait, Frédéric Fromet, le chansonnier humoriste de France Inter qui avait entonné « Jésus est un PD » il y a 3 semaines n’a ni été ni menacé de mort, ni obligé de quitter la maison de la radio, ni force de vivre sous assistance policière….et pour mémoire ni Madame la garde des Sceaux ni Ségolène Royal ni personne d’autre ne s’est indignée de cette « insulte envers une religion ».!

2 poids, 2 mesures, avez-vous dit ?

Thomas Dresler, Responsable communication du MPCT

 

Paris, le 5 février 2020