Tribune : Liban, union nationale ou sacre du Hezbollah ?

{“La formation d’un nouveau gouvernement libanais, attendue depuis cinq mois, était en bonne voie samedi à la suite de concessions du Premier ministre désigné Saad Hariri et du feu vert donné par le camp du Hezbollah chiite”.} (Dépêche AFP) “En bonne voie” : ouf, le soulagement général est palpable, le spectre de la guerre civile s’éloignerait, bref dans un monde qui va mal, ce serait enfin une nouvelle positive à se mettre sous la dent. Un gouvernement d’union nationale ! Du moins un gouvernement d’union. “Nationale”, c’est déjà moins évident. Ne serait-ce pas plutôt une union trinationale entre le Liban et deux puissances tutélaires, Syrie et Iran ? Mais surtout, le coup est rude pour celles et ceux qui croient fermement à la nécessité de la démocratie comme à celle du rejet du terrorisme. Rude coup pour la démocratie en effet que cette interdiction faite à la majorité élue aux législatives du 7 juin de diriger le pays. Rude coup, pour qui ne se contente pas des creuses condamnations incantatoires du terrorisme, que la consécration d’une organisation terroriste comme le Hezbollah. D’ailleurs on nous y avait déjà bien habitués. Tant pis pour nos concitoyens qui pleurent les leurs, victimes du Hezbollah. Son impunité est consolidée. Tant pis pour ceux et celles qui ont cru naïvement à la résolution 1701 et au mandat donné à la FINUL d’établir au Sud Liban “une zone d’exclusion de tous personnels armés, biens et armes autres que ceux du Gouvernement libanais et des forces de la FINUL, déployés dans la zone”. La FINUL, on le sait, se contente d’exiger du Hezbollah de bien vouloir être discret et de ne pas MONTRER son arsenal. Et peut-être même, tant pis pour qui attend du Tribunal Spécial pour le Liban, chargé d’enquêter sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafiq Hariri et de vingt-deux autres personnes, le 14 février 2005, qu’il rende la justice. Ce n’est pas qu’il soit joli garçon l’assassin du papa mais la real politik vaut tous les liftings. Le gouvernement d’union a été appelé de ses voeux par la « communauté internationale ». L’envoyé spécial de l’ONU se faisait insistant et la diplomatie française n’a pas été en reste. Aussi ce n’est pas à Saad Hariri qu’il faut reprocher ses concessions. {{A ceux qui font valoir que les temps changent et le Hezbollah avec, qu’il faut savoir tourner la page et passer l’éponge, on doit hélas opposer les faits, incorrigiblement têtus.}} En voici deux récents, également graves :-Al Manar, la télévision du Hezbollah, proteste contre l’inclusion du récit d’Anne Franck à un manuel d’anglais destiné à la classe de 4°. (1) {« Un tel manuel est une infraction évidente du Code pénal … qui doit donner lieu à des poursuites. Cela équivaut à courir vers la normalisation. Des poursuites doivent être menées automatiquement parce qu’il s’agit d’un crime} {dont le lieu est l’école !} » affirme doctement à l’écran le Président de « l’Autorité du boycott des produits sionistes » interviewé !Le présentateur de l’émission poursuit :{ “Al-Manar a essayé sans succès d’obtenir une réponse du ministère de l’Education. Elle a donc contacté le Géneral Wafiq Jazini, Directeur de la sécurité générale, qui a dit n’être au courant de rien, pour demander une enquête détaillée et que les mesures nécessaires soient prises. »}Le salut hitlérien des troupes du Hezbollah n’est décidément pas un hasard. On peut légitimement s’inquiéter de ce qu’un Hezbollah au gouvernement sera en position de faire pour distiller sa haine antisémite, obsessionnelle au point de partir en guerre contre Anne Franck ! -Le deuxième fait grave est la saisie le 4 novembre par la marine israélienne d’une cargaison de centaines de tonnes d’armes, missiles et roquettes. Israël a porté plainte contre l’Iran fournisseur présumé de ces armes, vraisemblablement destinées au Hezbollah via la Syrie. Certes l’Iran nie aussi énergiquement que le Hezbollah, qui condamne au passage ” la piraterie israélienne dans les eaux internationales”. Mais la sagesse commande de ne pas se contenter de ces démentis. Aussi, il est difficile de se réjouir de la formation d’un tel gouvernement au Liban. Et si on y va de son soupir, ce ne sera pas de soulagement mais plutôt de crainte que la fragile accalmie à la frontière israélo-libanaise ne résiste pas longtemps. Huguette Chomski Magnis (1) Emission du 30 octobre, rediffusée par MEMRI TV (The Middle East Media Research Institute) [http://www.memritv.org/clip/en/0/0/0/0/0/0/5038.htm?lang=fr->http://www.memritv.org/clip/en/0/0/0/0/0/0/5038.htm?lang=fr]