“Voici le temps des assassins”

“Voici le temps des assassins” …Le chagrin pour des familles qu’on aura fait espérer et souffrir jusqu’au bout, la colère devant la cruauté, la révolte face à l’injustice … Et c’est ce titre d’un film culte (1) qui revenait en mémoire alors que tombait cette information troublante au sujet de l’échange annoncé entre Israël et le Hezbollah : “Les deux soldats israéliens échangés sont morts”. Un peu comme si un échange, présumé équitable, avait bien eu lieu. Simple détail, les soldats étaient morts. Morts, il n’y a rien d’extraordinaire à cela : on meurt tant au Proche-Orient !Ce qui soulève le coeur c’est le contexte, l’avant et aussi l’après qui se profile déjà. Ce qui révolte c’est que les envoyés du Hezbollah aient pu fouler notre sol voici un an sans qu’aucune condition ne leur fut imposée. Comme justement celle d’exiger qu’ils fournissent des informations préalables sur ces deux soldats enlevés en juillet 2006. Car enfin, Ehud Goldwasser et Eldad Regev étaient innocents ! Soldats d’une armée de conscription, ils furent kidnappés, sur leur territoire national, à la frontière internationalement reconnue de deux états censés être souverains. Mais comment considérer comme souverain un état gangrené par le Hezbollah, état dans l’état ? Ce qui révolte c’est “l’unité nationale libanaise retrouvée” récemment célébrée (le Président de la République, escorté de représentants de presque toute la classe politique avait fait le voyage de Beyrouth pour l’occasion) alors qu’elle consacrait la normalisation avec la Syrie et la mainmise d’un Hezbollah devenu de plus en plus arrogant. Car le Hezbollah, dans lequel la diplomatie française aime à voir un acteur politique incontournable, reste ce qu’il a toujours été : une organisation islamiste, terroriste, raciste et antisémite. Au risque de déplaire, il faut rappeler les assassinats de Français commis par ce même Hezbollah dans un passé qui reste douloureusement proche, les attentats commis en Argentine en 1992 et 1994 (114 morts, 393 blessés), les sermons incendiaires de Nasrallah, les défilés des milices du Hezbollah, bras levés à l’hitlérienne, les bambins embrigadés, le contenu violemment antisémite des émissions d’Al Manar qui lui a valu d’être interdit de diffusion en France et enfin l’utilisation des populations civiles libanaises comme bouclier humain.Ce qui révolte c’est que tout semble néanmoins permis au Hezbollah : la prise d’otages, le mépris total du droit humanitaire, l’outrage aux morts et l’apologie du terrorisme. La Croix-Rouge qui avait été impuissante à rendre visite aux otages et à obtenir des informations sur leur sort a enfin joué un rôle … en recevant les deux cercueils des mains du Hezbollah. C’est donc décidément à cela que se borne le rôle de la Croix-Rouge ?Et maintenant ? Au Liban, ce mercredi a été décrété journée fériée et une jubilation obscène s’affiche. C’est qu’on n’échange pas que des dépouilles. Israël a libéré cinq prisonniers libanais. Parmi eux figure Samir Kantar, condamné en 1980 à la prison à vie. Doyen des prisonniers adulé, il est arrivé tout souriant dans le sud du Liban. Sa photo en treillis militaire du Hezbollah a comme un air de déjà vu avec sa petite moustache noire et son bras levé.Parmi ses “faits d’arme” : le meurtre d’un père de famille israélien et de sa petite fille dont il fracassa le crâne. Jamais le débonnaire prisonnier n’a exprimé la moindre regret pour ses crimes. Mais Samir Kantar est libre et fêté en héros. Il devait être reçu à Beyrouth par le Président et le Premier ministre libanais ! Voici donc revenu le temps des assassins triomphants ?Si la conscience universelle reste sans voix, il sera minuit dans le siècle avant peu ! Il faut qu’elle s’élève pour rappeler que tout n’est pas permis au nom de la cause qu’on prétend défendre, quelle qu’elle soit. Pour dire qu’assassiner une petite fille au seul motif quelle était israélienne et juive est un monstrueux crime terroriste et non un acte de résistance ! Pour dire enfin NON au terrorisme, aux prises d’otages et aux attentats. Un combat urgent car c’est tous les jours que les civils sont fauchés par des terroristes ! (1) “Voici le temps des assassins”, film de Julien Divivier (1956) dont le titre reprenait un vers de Rimbaud.Huguette Chomski Magnis Paris, le 16 juillet 2008