Au rendez-vous de la mémoire et de l’engagement : intervention d’Alain Seksig le 16 octobre 2025

Square Samuel Paty, Paris 5ème
16 octobre 2025

Samuel Paty, 5 ans après

Il est des dates qu’on ne peut oublier et chacun ici se souvient de l’état de sidération dans lequel l’a plongé la nouvelle foudroyante du 16 octobre 2020, l’assassinat, par décapitation, d’un professeur dont on ne prononçait pas encore le nom, tout près de son collège à Conflans Sainte-Honorine.

“Il est des évènements qui marquent une vie au fer rouge” écrira plus tard Mickaëlle Paty, la sœur de Samuel. C’est la première phrase du livre qu’elle a écrit avec Émilie Frèche : “Le cours de Monsieur Paty”.

Avec l’assassinat de Samuel Paty, puis, trois ans plus tard, celui de Dominique Bernard, c’est la République elle-même et son école qui ont été cruellement frappées au cœur. C’est ce que le Conseil des sages de la laïcité écrivait dans un communiqué voici cinq ans, puis à nouveau, trois ans plus tard.

Le communiqué daté du 17 octobre 2020 était intitulé « La République cruellement frappée au cœur » ; nous y expliquions ce que nous avions entendu quatre jours auparavant, le 13 octobre 2020, de la bouche du professeur des universités Bernard Rougier, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne voisine : « La France républicaine et son Ecole sont les cibles privilégiées de l’islamisme ».

Le communiqué se poursuivait ainsi :
« Si les référents académiques “Valeurs de la République” présents à cette réunion ont sans nul doute entendu et compris le propos, ils étaient, comme nous tous, certainement loin d’imaginer que l’actualité leur en donnerait si vite, et devant le pays tout entier, une illustration aussi tragiquement exacte. Au-delà de l’horreur devant un acte aussi abject, monstrueux et barbare, au-delà de la sidération et de la révolte, il reste ce constat : un pas de plus a été franchi le 16 octobre 2020, voici 5 ans, dans la guerre que livre le terrorisme islamiste à la France et, en son coeur-même, à son École.

Il y a eu l’attentat contre Charlie Hebdo : Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, Elsa Cayat, Bernard Maris, Mustapha Ourrad, Franck Brinsolaro Michel Renaud, Ahmed Merabat… Il y a eu les tueries de Montrouge, de l’hypercacher, du Bataclan, et celles de la terrible litanie de villes endeuillées, Toulouse, Montauban, Magnanville, Nice, Saint-Etienne du Rouvray, Chassieu, Saint-Quentin-Fallavier, Strasbourg, Marseille, Romans-sur-Isère et il y a eu Conflans-Sainte-Honorine ».

(Et il y a eu Arras 3 ans plus tard).
Je reprends la lecture du communiqué d’octobre 2020.

« Il y a eu, le 25 septembre dernier (on oublie vite), pendant le procès de l’attentat contre Charlie Hebdo, la tentative d’assassinat de deux employés d’une agence de communication dans les anciens locaux du journal. Et voici maintenant que, devant un collège, le terrorisme islamiste inflige à un professeur le supplice de la décapitation, marque de son obscurantisme et de sa cruauté. C’est un attentat contre un professeur d’histoire, contre tous les enseignants, contre la République française, contre son École. Pourquoi l’École ? Parce que l’École est précisément la maison de la République, le creuset où se forgent la conscience et la culture commune de tous les citoyens français en devenir, libres et égaux. Elle est le lieu par excellence de l’expérience de l’altérité, de la découverte du monde, de l’application et du déploiement de la laïcité, inséparable de la liberté. A l’École, comme de manière générale dans notre société, nous disposons de la liberté de nous exprimer, celle de croire ou ne pas croire, celle de critiquer, en se fondant sur la connaissance, toute option philosophique et religieuse. En droit français, le blasphème n’est pas une infraction et ne saurait l’être. C’est à ces biens les plus précieux, nos principes qui soudent nos concitoyens, hommes et femmes, d’où qu’ils viennent, et quelles que soient leur culture, leur religion, leur philosophie, que s’attaque l’islamisme. Ses soldats fanatiques haïssent précisément la liberté de conscience. Le chagrin, immense aujourd’hui, n’annihilera pas notre engagement, il le décuplera. Sachons réagir collectivement et solidairement à la hauteur du défi qui est devant nous, en portant haut les principes et valeurs de notre école et de la République.
Le Conseil des sages de la laïcité exprime sa solidarité avec la famille de ce professeur d’histoire lâchement assassiné, son appui aux professeurs de toutes les disciplines, et en particulier d’histoire-géographie qui, au quotidien, expliquent, illustrent et transmettent les valeurs de la République. Confiant dans la force du rejet des citoyens français face à la barbarie fomentée par une minorité de fanatiques, il se tiendra toujours aux côtés et en soutien des professeurs comme de l’ensemble des personnels de l’institution scolaire, aujourd’hui meurtris mais plus conscients et déterminés que jamais à accomplir leur mission ».

J’ajouterais, cinq ans après, à l’expérience, que nous avons, certes, fait beaucoup pour sortir du déni, regarder les problèmes en face et les traiter, ne plus mettre la poussière sous le tapis comme disait Jean-Michel Blanquer. Mais il reste encore beaucoup à faire, notamment pour la formation des professeurs et de l’ensemble des personnels de l’Education Nationale. La tâche est loin d’être achevée, poursuivons la, chacun, à notre place, et jusqu’au plus haut niveau de l’institution et de l’Etat. Faisons de la laïcité à l’école une grande cause nationale avec toute la nation derrière son école.

Alain Seksig, Secrétaire général du Conseil des sages de la laïcité