A Abuja et à Lagos deux émouvants rassemblements ont marqué les 10 ans de l’enlèvement de 276 lycéennes de Chibok, majoritairement chrétiennes, par les islamistes de Boko Haram.
Témoignage de Rebecca, relâchée en 2016
10 ans ! 3652 jours …
Il eut lieu dans la nuit du 14 au 15 avril 2014, surprenant dans leur sommeil des jeunes filles spécialement revenues dans leur établissement, malgré le risque encouru, pour passer leur examen de fin d’année.
Ce n’était ni le premier ni le dernier des enlèvements de masse perpétrés par ces rejetons de l’Etat Islamique mais ce fut le plus emblématique, grâce à l’extraordinaire mobilisation des mères de Chibok.
Avec la même ténacité que ces Mères de l’espoir qui se rassemblent inlassablement pour les otages israéliens, les jeunes Israéliennes en particulier, elles organisèrent, tout de rouge vêtues, manifestation sur manifestation.
En créant Bring Back Our Girls, elles ont réussi à médiatiser le mouvement, à mobiliser des célébrités dans le monde entier.
Au fil des ans, le soutien s’est effiloché, jusqu’à l’oubli presque total, y compris au Nigeria.
Que sont devenues les filles de Chibok ?
Plusieurs ont pu échapper à leurs ravisseurs à différentes occasions, du tout début jusqu’à 2022 pour les dernières.
D’autres ont été libérées par des opérations de l’armée nigériane.
D’autres ont été échangées contre des terroristes de Boko Haram au terme de négociations. Des innocentes contre des assassins, tels sont les termes des accords avec les preneurs d’otages, Boko Haram ou Hamas.
Et puis il y a celles qui ne sont pas revenues. 91 manquent toujours à l’appel.
Certaines ne sont hélas sans doute plus en vie.
Le sort des jeunes otages a été terrible.
Converties de force, « mariées » de force, violées, humiliées, affamées, soumises à l’esclavage. Certaines ont succombé aux mauvais traitements ou ont été tuées au cours de combats. D’autres ont même été envoyées, bardées d’explosifs, se faire exploser pour commettre des attentats.
On estime que 82 sont encore captives.
Comme environ 1400 enfants et adolescents puisque les enlèvements massifs d’élèves se poursuivent encore ! Les islamistes étant rejoints par de simples bandits qui kidnappent contre rançons – la frontière entre délinquants et djihadistes étant assez poreuse, au Nigeria comme ailleurs.
Le 21 février 2018 eut lieu l’enlèvement des lycéennes de Dipcha. Elles étaient majoritairement musulmanes et elles furent relâchées assez vite.Saut Leah Sharibu.
Chrétienne, cette adolescente d’à peine 14 ans refusa de se convertir, ce qui me condamna à rester captive !
Le programme éducatif des islamistes de Boko Haram se rapproche de celui des talibans d’Afghanistan ou du Pakistan.
Les écoles sont des cibles privilégiées, celles de filles tout spécialement.
Enseignantes, élèves et étudiantes, risquant leur vie en s’y rendant.
Le livre (Boko, pour l’anglais book) est interdit par l’Islam (Haram).
Tout enseignement non coranique est banni, même pour les garçons.
Pour les filles, pas d’enseignement du tout, la maison et le mariage précoce doivent être leur lot.
Cela semble délirant, absurde et à des années-lumière de notre monde.
Certes, mais des islamistes n’essaient-ils pas déjà d’imposer des interdits à l’enseignement public par la menace, l’intimidation et l’ultra violence ?
La sécurisation des établissements scolaires est un impératif, partout dans le monde, tout comme le droit à l’éducation pour les filles et les garçons.
Bring Back our girls aujourd’hui
Parmi les rescapées de Chibok, certaines ont repris leurs études, ont eu des diplômes et reconstruit leur vie.
Pour d’autres le traumatisme reste trop grand.
Certaines ont été rejetées, surtout quand elles sont revenues avec des enfants nés de leurs « mariages » avec des terroristes de Boko Haram.
Il y a un mouvement d’entraide pour permettre leur réinsertion.
Témoignage de Grace, libérée par l’armée en 2017, membre active de la Chibok Schoolgirls Foundation
L’association des familles de Chibok continue sa mission.
Depuis l’enlèvement, 48 parents sont morts, usés par le chagrin. Trois ont été tués par des terroristes.
Les familles des disparues sont tenaillées par l’angoisse et espèrent toujours revoir leurs filles vivantes.
Leur calvaire doit cesser, comme celui de toutes les familles d’otages au Nigeria comme en Israël.
Ne les oublions pas. Honte à qui ignore leur souffrance et banalise la prise d’otages !
Victoria Wilson
Copyright photos : Bring Back Our Girls