Rapport moral de la Présidente du MPCT Béatrice Szwec, présenté à l’Assemblée Générale du 6 février 2019
• 2018 : le contexte dans lequel MPCT mène ses actions d’alerte de la société et de solidarité avec toutes les victimes du terrorisme a sensiblement évolué depuis sa création il y a 16 ans .
A quelques semaines d’un vote crucial pour l’avenir de la Communauté Européenne, et bien sûr le nôtre, je veux rappeler que depuis dix ans , pas moins de 12 pays de l’UE ont été touchés par des attentats terroristes qui ont entraîné la mort de plus de 400 civils , hommes, femmes et enfants.
Notons surtout que depuis la fin des années 1990, ont été mis en place des outils indispensables pour mieux coordonner l’action des partenaires dans leur lutte contre l’insécurité, le terrorisme islamique et maintenant l’immigration de masse, légale ou pas .
Pour rappel il s’agit de:
Europol, qui fait le lien entre polices nationales Depuis peu cet organisme a également en charge la lutte contre la propagande terroriste en ligne
Eurojust, qui accompagne les enquêtes judiciaires,
Frontex, qui surveille les frontières extérieures de Schengen et de l’UE
la base de données du Système d’information Schengen.
Contre la passoire que constitue le trafic aérien, les Européens ont décidé depuis 2016, de mieux partager les données des passagers En complément un nouveau système d’enregistrement aux frontières devrait voir le jour sous peu. Les autres chantiers en cours visent essentiellement à renforcer la cybersécurité et à enrayer le financement du terrorisme.
Sur le terrain, les enquêtes conjointes avancent comme le montrent les interpellations, les arrestations et les procès contre les suspects de complicité lors des grands attentats (Bataclan, Hyper casher, Bruxelles, Nice, Londres, Manchester, Barcelone, Strasbourg etc..)
La situation géopolitique et militaire au Moyen Orient, où la France est engagée s’est également modifiée. Les longues guerres meurtrières d’Irak et de Syrie se terminent. Les influences étrangères, aux intérêts très divergents, continuent de s’incruster et de guerroyer par partenaires locaux interposés.
Pensons au Hezbollah, au Hamas et aux jeux plus ou moins opaques des puissances : principalement Russie, Etats Unis , Europe, Iran, Turquie .
Daesh si puissant, si barbare, si attirant pour une jeunesse égarée n’est plus qu’un Califat sans terre où les jeunes Européens “radicalisés” qui ne sont ni morts au combat ni dans des assassinats ciblés ont dû se rendre aux vainqueurs.
La grande coalition anti terroriste, n’est plus guère représentée sur le terrain que par les combattants kurdes qui ont été lâchés de manière éhontée par leurs alliés occidentaux . Pour clore le tout, le retrait unilatéral, et sans concertation du dernier corps Etats-Unien de 2000 militaires a créé de graves déséquilibres, obligeant, par exemple la France à devoir rapatrier ses traitres nationaux pour les juger ici, ce qui n’était nullement prévu .
Le nouveau contexte du travail d’alerte du MPCT c’est cela : les premiers terroristes jugés et incarcérés en France , sont en train de sortir de prison sans que les citoyens ne sachent dans quel état de dangerosité ils se trouvent.
Dans le même temps il faut se préparer au retour de près de 200 djihadistes hommes, femmes ( et enfants, nous dit-t-on) arrêtés là bas, qui devaient y être jugés et y purger leur peine.
A noter que la majorité des Français est contre ce retour.
Pour montrer sa compréhension des appréhensions de la nation, le Ministre de l’intérieur Christophe Castagner vient de déclarer que « ces exilés volontaires sont français avant d’être djihadistes ! »
C’est cela le déni de réalité et l’absence de compassion réelle pour les victimes , leurs souffrances et leur mémoire.
L’état de la justice en France, très « idéologisée » et sans véritable contrôle, l’état du système pénitentiaire, le manque notoire de structures d’isolement pour limiter le prosélytisme, la contagion de la “radicalité”, l’organisation de cellules , dormantes ou pas, en attendant une libération qui , fatalement, adviendra un jour ne sont certes pas des données très rassurantes.
Face à ces changements d’échelle, comment le MPCT pourra-t-il réagir ?
Probablement par la lutte, pied à pied, contre le déni des réalités, contre l’indifférence , contre le politiquement correct et contre l’inversion des valeurs.
La mémoire, la fidélité aux victimes et à leurs familles sont le devoir humaniste et de tout progressiste qui se respecte. Ils doivent nécessairement passer avant tout opportunisme politique.
Pour clore mon propos, je voudrais rappeler ici que même petite et fatiguée, notre association MPCT a conscience que le combat engagé de longue date contre le déni de réalité, le refus, par l’ensemble des élites et des médias de notre pays d’appeler un chat un chat a quelque peu porté ses fruits.
Nous nous en félicitons.
Qu’était donc cet « enfumage » , qui consistait à se prétendre « en guerre « contre un ennemi que l’on n’osait ni regarder en face ni nommer ?
Notre travail de fourmis, à côté de celui de grosses associations avec des dirigeants bien médiatiques et médiatisés telles que les associations du combat laïc, celles qui luttent contre les racismes, les antisémitismes, les populismes, les fascismes, l’homophobie, les violences faites aux femmes et autres discriminations, font que maintenant le Ministère de l’Intérieur ose annoncer les vérités en chiffres, à savoir qu’en 2018 , et en hausse significative par rapport à 2017, 0,1 % de la population française – les Juifs- ont été victimes de 84% des agressions et voies de fait comptabilisés au niveau national.
Du Président qui affirmait publiquement vouloir faire de la lutte contre l’antisémitisme la grande cause nationale, je ne dirai rien.
Je terminerai par un salut fraternel à tous nos amis ici présents, à celles et ceux qui ne sont pas là mais que nous considérons tous et toutes comme des exemples d’audace, de courage et de rayonnement.
• Je pense à Zineb el Rhazoui, Philippe Val, Boualem Sansal et à tant d’autres intellectuels, je pense aux jeunes femmes iraniennes qui osent se dévoiler en public devant des caméras. IIs et elles nous montrent la grandeur de la prise de risque au bénéfice de la liberté, de toutes les libertés fondamentales et pour toute l’humanité .
Eux qui se voulaient libres de dire et d’écrire sans frein, ils sont sous le coup de l’irrationnel ; les fatwas, les menaces de mort pour eux, pour elles et leurs familles. Le prix à payer c’est la sécurité 24H sur 24. Elle est étouffante mais malheureusement indispensable.
Faisant mien le résumé éclairé par Huguette des acquis et des faiblesses du MPCT seize ans après sa création, j’y ajouterai une question un peu gênante : tenter de remonter, rajeunir et re dynamiser une association valeureuse , riche d’idées et d’éthique mais en retard de plusieurs guerres au plan de la communication , des média, réseaux et banques de données numériques, est ce bien raisonnable ?
Moi-même je n’ai rejoint l’association qu’il y a deux ou trois ans (je ne sais plus, quand on aime on ne compte pas), J’étais pleine de projets de développement mais peut être pas très consciente des mutations rapides du monde, sous la poigne de fer du numérique . Et patatras, la traitrise de l’âge m’a fait un croche pied. Je viens de passer de très nombreux mois à me rouler dans des douleurs indicibles.
On se doute que ce ne sont pas des conditions idéales pour inventer un futur à une association devenue un peu désuète. L’idéal, selon moi, serait de lui trouver un partenaire plus inscrit dans la modernité, un genre de tuteur. Il faut savoir qu’il y aura forcément un prix a payer en terme d’indépendance des idées et des actions.
En attendant , si ma santé se tient tranquille, je reste a la disposition du MPCT , au moins pour assurer sa survie et celle de ses instances.
Béatrice Szwec
Paris, le 6 février 2019