{“Le secrétaire d’Etat a fait part de sa préoccupation quant à la désignation terroriste des Frères musulmans prise le 25 décembre par le gouvernement intérimaire égyptien”,} a déclaré la porte-parole du Département d’Etat américain.La décision des autorités égyptiennes d’attribuer la responsabilité des attentats du 24 décembre aux Frères Musulmans et de leur appliquer illico la très répressive loi antiterroriste de 1992, déplaît très fort à l’administration américaine, plus fort diront les esprits chagrins que les exactions commises pendant le règne des Frères. Certes, la confrérie a nié la paternité de l’attentat de Mansoura qu’elle a même vertueusement condamné mais peut-on sérieusement se satisfaire de sa parole ? Face à l’islamisme, l’approche de l’administration américaine et de bien des chancelleries tient hélas plus du « wishful thinking » et de la prophétie à vocation auto-réalisatrice que de l’analyse raisonnée. Un rapide examen du logo officiel de la confrérie montre pourtant que le Coran n’y figure pas seul mais entouré de deux sabres croisés, symbolisant plutôt la violence qu’un message spirituel et pastoral.La confrérie des Frères musulmans, mouvement pan-islamiste créé en Egypte en 1928 a été à juste titre qualifié de “matrice infernale” par Caroline Fourest dans son livre “Frère Tariq”. -La confrérie a donné naissance au Jihad Islamique qui a assassiné Sadate en 1981 – pour crime de paix conclue avec Israël. En 1978 les Frères avaient, eux, officiellement renoncé au terrorisme, à l’exception notable de la Palestine.La lutte contre toute souveraineté juive dans ce qu’il veut exclusivement terre d’Islam est en effet au cœur du mouvement dès l’origine. Sa branche palestinienne n’est autre que le Hamas, toujours classé, lui, organisation terroriste par les USA et l’Union européenne. -C’est aussi la confrérie qui a donné naissance à Al Qaida. Certes la stratégie des Frères Musulmans, notamment vis-à-vis de l’Europe, est toute différente de celle d’Al Qaida. Cela ne veut pas dire qu’ils aient fondamentalement renoncé au terrorisme et que leur objectif final soit différent. -La volonté de compromis avec l’Islam politique, avec l’idéologie islamiste, qu’elle soit portée par les Frères Musulmans, les Mollahs iraniens ou les talibans, est en contradiction totale, absurde et tragique, avec les proclamations de guerre au terrorisme. Certains, faisant ce constat, sont tentés par des explication conspirationnistes, suggérant un complot ourdi par les USA et le FMI, instrumentalisant les islamistes pour déstabiliser des états dits laïques, trop indépendants.De telles théories ne valent guère plus que les autres théories du complot. Au demeurant, les USA comme la France s’accommodaient fort bien des dictatures, notamment libyenne ou syrienne. En réalité, le mal est profond. Il ne se limite pas aux états mais a pénétré la société civile sous couvert de pacifisme. A partir d’une distinction opérée entre islamisme politique, missionnaire et djihadiste, a progressé l’idée de s’appuyer sur les deux premiers pour isoler le dernier, seul perçu comme nocif et terroriste. La défense d’un compromis, de fait progressiste, avec l’islamisme, s’est développée au sein de l’extrême gauche, du mouvement anti-guerre, gagnant du terrain jusque dans les mouvements se réclamant des droits humains. La laïcité à la française est une de ses cibles. -La séparation entre islamistes « modérés » et « radicaux » a fait florès, à gauche comme à droite de l’échiquier politique. On a vu Stéphane Hessel soutenir le Hamas et Alain Juppé vanter les mérites des Frères Musulmans. Tout le monde ou presque a chanté les louanges des islamistes tunisiens d’Ennahda, jusqu’à ce que les Tunisiens ne nous démontrent que les « modérés » ne l’étaient pas. Le Département d’Etat américain a mis en place le Forum Mondial Contre le Terrorisme (Global Counterterrorism Forum) co-présidé par les USA et la Turquie de l’islamiste « modéré » Erdogan – priant au passage Israël et ses victimes d’attentats de bien vouloir rester en-dehors, tout ceci dans la louable intention de mieux combattre le terrorisme. On en est là. Que n’avons-nous su lire Latifa Ben Mansour qui analysait si bien, en linguiste, les prêches des leaders du FIS algérien dans « Frères Musulmans, frères féroces » ! Que n’avons-nous su écouter Jeannette Boughrab nous dire en termes simples qu’il n’est pas d’islamisme modéré !La victoire électorale d’un parti ne change pas sa nature et n’est pas gage de démocratie, que n’avons-nous su le rappeler !Beaucoup de temps a été perdu mais ill n’est peut-être pas trop tard pour se ressaisir.Les femmes, les démocrates, les minorités, les laïcs des pays traversés par ce qu’on a appelé « printemps arabes » nous le demandent. Huguette Chomski Magnis