{{Ils sont venus, ils sont presque tous là. Camarades, progressistes, héritiers, comme moi, du mouvement ouvrier et de la défense des droits humains, ils sont venus manifester. }} Fini les modestes places parisiennes, à nous l’Opéra. On va enfin pouvoir re-mobiliser. La Fontaine des Innocents et le terre-plein de la place du Châtelet c’est tout juste bon pour la Syrie aux 40 000 morts. Car, voyez-vous, la Syrie c’est très compliqué. Alors que LA CAUSE palestinienne ou plus exactement antisioniste, c’est tout simple : d’un côté les Victimes, de l’autre les Bourreaux. Ils n’auront pas un mot de compassion pour les habitants du Sud d’Israël qui vivent depuis des années au rythme des alertes, des courses aux abris et des tirs de roquettes lancées depuis Gaza. Pas un mot de condamnation du Hamas et des divers groupes terroristes qui lancent leurs roquettes jusqu’à Tel Aviv et Jérusalem. « Prétextes » que tout ceci : qu’on se le dise, il s’agit de roquettes « artisanales » qui « atteignent rarement leur cible ». Leur cible justement quelle est-elle sinon les civils israéliens ? Cible atteinte jeudi 15 novembre : une maison de l’obscure Kiryat Malachi. On la voit sur le site de l’ONG israélienne de défense des droits humains Btselem. Celle-ci condamne comme crime de guerre ce tir qui a tué trois civils et en a blessé plusieurs dont un enfant et deux bébés. {{Mais pour manifester, on va brosser un tableau justifiant la condamnation du seul Israël, en gommant ce qui pourrait porter un message moins binaire.}} On ignore les victimes israéliennes, moins nombreuses mais surtout moins humaines, civils de tous âges à peu près perçus comme des militaires en puissance, tacitement admis comme des cibles légitimes. On présente les tirs de roquettes comme une riposte à l’élimination du chef de la branche militaire de Gaza alors qu’ils l’ont précédée de plusieurs années, avec une fréquence et une intensité variables mais avec une portée toujours croissante. Ces tirs de roquette n’ont été que la poursuite du terrorisme par d’autres moyens, une fois que les attentats « suicides » dans les rues, les bus, les discothèques, les restaurants israéliens ont été empêchés par mur et clôture de sécurité. On tait le fait que les Israéliens larguent des tracts avant de larguer des bombes. Un habitant de Gaza cité par Europalestine dit « le matin on a reçu des textos de l’armée israélienne, en disant que l’étape prochaine va commencer et qu’il faut s’éloigner des militants du Hamas. » Ce n’est pas l’attitude d’une armée voulant commettre des massacres que de prévenir les habitants de ses tirs, même si cela ne rend pas leur vie plus rose. On s’abstient de dire que le Hamas est une organisation terroriste, raciste qui appelle au génocide des Juifs, élève les enfants dans la haine de l’autre, le culte de la mort et du martyre. Qui embrigade les enfants dès la maternelle : écoles, colonies de vacances, émissions enfantines, tout lui est bon. Et beaucoup d’organisations dites de « résistance » se livrent à la même vilaine besogne. L’Autorité palestinienne elle-même n’a pas encore renoncé à cet enseignement de la haine. On dit à raison que le peuple palestinien n’a pas d’état mais sans se prononcer sur le droit du peuple juif à avoir le sien. On se garde d’ajouter que d’autres peuples sont privés d’états. Les Tibétains ? Tant qu’ils s’immolent au lieu de lancer des roquettes ou de commettre des « attentats suicides », c’est qu’ils ne sont pas trop malheureux. Et on ne va pas se mettre la Chine à dos ! Les Kurdes ? Pas question de fâcher la Turquie et de compliquer les choses en Syrie ! {{Comment accepter cette attention singulière et cette indignation sélective ?}} Comment expliquer le manque d’objectivité dans le discours des manifestants, sinon par un mélange d’ignorance et de discrimination assumée du peuple juif, peuple « imaginaire » et néanmoins assassin ? Peuple toléré s’il subit des attaques mais irrémédiablement condamné si les dirigeants israéliens s’avisent de riposter. Peuple discriminé dans son droit à disposer de lui-même, dans son droit à une souveraineté nationale et dans son droit à l’émigration. Dans un monde idéal, le chef de la branche militaire du Hamas aurait été poursuivi par la justice internationale au lieu d’être éliminé par Israël. Les dirigeants du Hamas, branches politique et militaire, seraient jugés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’arsenal du Hamas et des autres groupes terroristes serait saisi par la communauté internationale et Israël ne bombarderait pas Gaza. Dans le monde réel, les dirigeants du Hamas sont cajolés et encouragés, hier par Carter et Hessel, aujourd’hui par Morsi et Gannouchi.Et par les indignés de la place de l’Opéra.Huguette Chomski Magnis Paris, le 17 novembre 2012