{{De pauvres gens ! Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international}} Le procès des pirates présumés de l’équipage du voilier français Le Ponant, en 2008, qui vient de s’ouvrir devant une cour d’assises de Paris, nous amène à revenir sur la question de la piraterie maritime que nous avions déjà examinée, par ailleurs ([http://www.desinfos.com/spip.php?page=article&id_article=21582->http://www.desinfos.com/spip.php?page=article&id_article=21582]) et qui avait été relevée ici-même. (1)Dans cet article, nous déplorions la lenteur tant de la part de la société internationale que de celle des Etats pour réprimer ce fléau, fort ancien, mais qui a tendance à se développer depuis quelques années.Or, dès l’origine, une règle coutumière (c’est à dire une pratique considérée comme ayant un caractère obligatoire) s’était progressivement dégagée, aux termes de la quelle n’importe quel Etat, constatant, par un de ses navires publics, un acte de piraterie était fondé à y mettre fin et était autorisé à « pendre haut et court » les pirates, pris « sur le vif » de navigation sans pavillon autorisé.De telle sorte qu’il nous apparaissait que ce que l’on appellerait, aujourd’hui, une compétence universelle, c’est à dire le droit pour n’importe quel Etat d’arrêter et de juger les pirates (car entre-temps la règle coutumière s’était en quelque sorte « civilisée ») ne devait poser aucune difficulté.Il n’en était rien, car en réalité, ne serait-ce qu’à considérer l’attitude de la France, cette compétence universelle, pourtant reconnue par la Convention des Nations Unies, dite de Montego Bay, de 1982 (article 105) n’apparaissait que comme facultative et nécessitait une mesure nationale pour sa mise en oeuvre.La France, ayant abrogé, en 2007, la loi de 1825, a vécu, quelques années, dans le « vide juridique » sur ce point jusqu’à ce qu’enfin une loi du 5 janvier 2011 rétablisse la compétence des juridictions françaises pour connaître d’actes de piraterie maritime quelle que soit la nationalité des pirates et/ou de leurs victimes. En l’occurrence, la territorialité de la commission de tels crimes n’est pas en cause puisque, généralement, commis en haute mer, espace échappant, par définition, à toute souveraineté nationale, ils ne relèvent d’aucune juridiction nationale territorialement compétente.C’est sur la base de cette nouvelle loi que fin 2011, cinq hommes avaient été condamnés à des peines de prison, comprises entre quatre et huit ans, pour la prise d’otage du Carré d’As, en septembre 2008, un sixième étant acquitté. Le parquet ayant fait appel, l’affaire est toujours en instance devant la justice française.Dans le nouveau procès, un seul des six accusés reconnaît sa participation à l’action incriminée. D’ailleurs, quatre ans après les faits, le capitaine du voilier aurait du mal à les identifier.Curieux quand même que quatre « pêcheurs », un « chauffeur de taxi » et un « comptable dans une société de pêche » aient pu être trouvés, à bord d’un 4×4, en possession de 181 000 dollars (la rançon versée par l’armateur pour obtenir la libération des otages avait été de 2,15 millions de dollars…), sans être en rapport avec la prise d’otages.Certes deux d’entre eux reconnaissent être montés à bord du voilier, mais affirment qu’ils ne faisaient qu’approvisionner les pirates en chèvres, cigarettes ou khat.Il faut dire que sur le plan international, la répression de la piraterie ne progresse guère davantage par rapport à ce que nous écrivions, fin 2010.Certes, le Conseil de sécurité des Nations Unies vote régulièrement des résolutions, sur la base de rapports du Secrétaire général de l’ONU, lui-même « éclairé » par Jack Lang, qui, en attendant de se reconvertir sur le plan politique interne français, avait accepté une mission de « conseiller spécial des Nations unies sur les questions juridiques liées à la piraterie au large de la Somalie. ».L’organe principal des Nations Unies, chargé principalement de veiller au respect de la paix et la sécurité internationales, renouvelle ses appels à la coopération internationale, que nous évoquions déjà dans notre précédente étude, mais sans grands résultats pratiques.Le Conseil a même dû étendre son intérêt à la situation dans le Golfe de Guinée….Près de 300 otages et une dizaine de navires marchands sont actuellement aux mains de pirates, capables de sévir à des centaines de kilomètres au large du littoral de la Somalie, pays aux proies de l’anarchie et de l’insécurité depuis une vingtaine d’années.En France, en dehors de l’actuel procès, une vingtaine de Somaliens sont détenus pour plusieurs prises d’otages, dont deux ont été marquées par la mort d’un ressortissant français.Certes, l’Union européenne, l’OTAN et les Etats-Unis tentent de lutter contre ce fléau, dont la répression devrait, aussi, normalement, par l’exemplarité des peines infligées contribuer à ralentir le phénomène.Mais ce que nous voudrions, aujourd’hui, déplorer c’est en quelque sorte l’espèce de mansuétude, dont fait preuve l’opinion publique, encouragée par le « voyeurisme » d’une partie de la presse, à l’égard des auteurs de ces actes de piraterie, au motif que ceux-ci n’auraient pas d’autres moyens de subsistance…..Rappelons nous qu’avant que même Cuba décide de réprimer les actes de détournements d’avions, les pirates de l’air n’hésitaient pas à assortir leurs pseudo-revendications politiques de demandes de rançon.Après tout il faut bien que ces « braves gens » aient les moyens de vivre.En l’absence d’un mécanisme de SMIC à l’échelle internationale ou de « Pôle-Emploi » international leur permettant de trouver des occupations lucratives « normales », il faudrait « comprendre » les motivations de ces fauteurs de troubles.La presse française envisage même, à propos de l’actuel procès, en l’absence de preuve certaine de l’implication dans la prise d’otages, un droit à réclamer le statut de réfugiés politiques, voire de présenter des demandes d’indemnités pour détention abusive.Voyons, donc, les « pauvres gens » sont même des « braves gens »…… (1) [http://www.mpctasso.org/spip.php?article761->http://www.mpctasso.org/spip.php?article761]13 novembre 2010