Analyse personnelle de MC San Juan (présente le 8 au procès).Nicole Guiraud a intenté un procès à FR3 (France Télévision) et à la production du film « Les Porteuses de feu ». Il a eu lieu le 8 juillet. Le film, programmé en 2008, glorifiait les actions des poseuses de bombes du FLN, et notamment de celle qui mit la bombe au Milk Bar, à Alger, attentat dans lequel Nicole, alors enfant, fut gravement touchée, traumatisme qui perdure, par ses conséquences irréversibles, physiques et psychologiques. Voir ce film a été un traumatisme supplémentaire, ravivant l’horreur. Un avocat de la défense a dit qu’elle n’y était pas obligée… Bien sûr qu’elle l’était : c’est son histoire. Comment aurait-elle pu accepter d’ignorer la manière dont son histoire était traitée ? Dire et croire cela c’est bien mal comprendre comment on reconstitue son identité en combattant pour la justice, la vérité des faits, et dans le refus des idées qui ont justifié horreur et terreur. Ce qui blesse là, c’est que le film soit présenté en niant l’atteinte, puisque celle-ci n’est pas dite. Là aussi, un avocat, répondant à la plaidoirie de maître Courbis, a considéré que mettre l’accent sur la négation des victimes c’était demander de les montrer, de jouer sur les émotions, le sensationnel. Ce n’était certainement pas ce qui était suggéré dans cette plaidoirie qui ne s’appuyait pas non plus sur la question de l’apologie du terrorisme (plainte qui de toute façon n’aurait pas été du ressort d’une victime), contrairement à l’interprétation qui en fut faite par la défense à certains moments. Au contraire, Pierre Courbis a mis l’accent sur la souffrance de la victime, atteinte au plus profond de son identité, de son intégrité, et blessée encore et encore par ce qui la nie, parce que sa réalité, dans un tel film, est rendue abstraite. On peut faire exister et reconnaître les êtres sans rentrer d’aucune manière dans le sensationnel. Mais les faire exister, quand ils ont été dévastés, ce serait rendre nécessaires des questionnements qui mettraient en question la nature même du film, contenu et forme. Nécessaire, aussi, sur la chaîne, FR3, une armature de commentaires extérieurs, dont l’absence révèle un échec, une faillite. Pierre Courbis a montré ce qu’était la réalité de la personne, justement : profondément, humainement. De celle qui ne veut surtout pas d’une quelconque compassion (terme qui fut employé par la défense) : juste du respect. Il faut ajouter autre chose encore. Dans sa démarche Nicole Guiraud s’est engagée en tant que personne, mais elle représentait symboliquement les autres victimes de telles atteintes, qu’elles soient victimes des uns ou des autres : il ne s’agissait pas pour elle de revanche partisane. Preuve en est le fait qu’elle ait évoqué, en artiste (plasticienne), dans un film de mémoire et de création, Delphine Renard, elle qui fut la jeune victime d’une autre forme de terrorisme (OAS), et qui représente elle aussi d’autres victimes plus anonymes, sur les deux rives. La plaidoirie sera-t-elle entendue ? Ce serait une avancée considérable de la pensée. Délibéré le 30 septembre. MC San Juan, Paris, 18 juillet