L’assassinat de Benazir Bhutto est un événement qui indigne et bouleverse, sans surprendre, tant la vie de l’ex-Premier Ministre, candidate du Parti Populaire du Pakistan aux prochaines élections, était constamment menacée depuis son retour d’exil. Non qu’il faille faire d’elle une icône.Non qu’il faille estimer sa mise à mort plus scandaleuse et plus condamnable que celles des centaines de civils tombés au Pakistan, comme partout ailleurs, dans les attentats commis sur ordre par des êtres qu’on s’obstine à nommer improprement “kamikazes”. L’assassinat politique est vieux comme le pouvoir. Mais celui de Benazir Bhutto a sa spécificité : le contexte de la montée en puissance depuis des années de l’islamisme au Pakistan, balisée par la mise à mort barbare de Daniel Pearl. En assassinant Benazir Bhutto, c’est d’abord la femme qu’on a voulu tuer, la femme coupable de décider, d’agir et de paraître au lieu de se dissimuler. C’est ensuite la démocratie qu’on a voulu tuer ou plutôt empêcher de naître. Les islamistes avaient juré de tout faire pour que les élections n’aient pas lieu et pour éliminer Benazir Bhutto. Il faut toujours prendre au sérieux les menaces proférées par les islamistes, qu’ils soient au pouvoir ou dans une insaisissable nébuleuse terroriste. Une enquête indépendante pemettra-t-elle jamais de déterminer le degré de responsabilité du pourvoir pakistanais dans la mort de Benazir Bhutto ? Faut-il croire le clan du très antidémocratique Musharraf quand il affirme avoir vainement mis en garde Benazir Bhutto contre le danger imminent ? Ou bien l’entourage de la candidate qui dénonce le refus par la police, étroitement dépendante de Musharraf, de fournir à Madame Bhutto une escorte à la hauteur de la menace qui planait sur elle ? Quel est le degré de pénétration des services secrets et de l’armée par les islamistes ? Quels liens existent entre les uns et les autres ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre. Mais force est de constater que la protection de Benazir Bhutto était bien mal assurée. L’histoire retiendra le courage de Benazir Bhutto, son refus de plier devant le chantage.Et ses paroles, en guise de testament politique : {”Je n’ai pas vécu jusqu’à mon âge pour me laisser intimider par des kamikazes. Une bataille fait rage pour l’avenir du Pakistan en tant que nation démocratique. La nouvelle génération choisira la modération ou l’extrémisme, l’éducation ou l’illettrisme, la dictature ou la démocratie, la tolérance ou la bigoterie, la paix ou la guerre”.} (1) Et si le Pakistan était le paradigme des choix qui sont devant l’humanité ? Huguette Chomski Magnis (1) Le Figaro (24 octobre 2007)