A l’ heure où les nouvelles ne font plus état que d’ attentats toujours aussi meurtriers et dévastateurs, il me semble important de redéfinir la perspective et les objectifs de notre résistance au terrorisme De toute évidence, la stratégie terroriste frappe le quotidien lui-même: aller au travail, prendre le métro, se détendre, voyager, tout devient problématique; avec une technique hitchcokienne, les terroristes introduisent l’ horreur dans ce qu’ il y a de plus de plus habituel, de plus banal, de plus anodin. La peur s’ insinue partout, dans nos gestes de tous les jours. Cette tactique présente deux avantages: les terroristes font à présent partie de notre univers de pensée, ils interviennent dans notre rapport au monde et dans notre relation à l’ autre; d’ autre part nous perdons nos automatismes, notre aisance à nous déplacer, à communiquer, à créer du lien, à sortir. Ils ciblent la confiance: la confiance en l’ autre, la confiance aussi à l’égard de nos gouvernants, de nos habitudes démocratiques. Abasourdis par toute cette violence, nous cherchons à comprendre avec nos propres critères, nous sondons dans notre mode de vie, dans notre économie, dans notre politique ce qui peut bien déclencher tant de haine, nous analysons les dysfonctionnements de nos vieilles démocraties pour trouver des raisons à nos assassins et là encore nous tombons dans leur piège, dans le piège ultime qui leur permet avec une grande économie de moyens de saper en profondeur les rouages de la démocratie. Si vous interrogez le citoyen européen lambda sur les menaces qui pèsent sur l’avenir du monde, il vous répondra conflit israélo-palestinien, mondialisation, Bush, Sharon, Poutine avec plus récemment, Blair qui s’ajoute à la triade infernale. Il cherchera dans ce qu’il connaît pour éviter d’affronter ce crime sans visage, cette terreur au nom énigmatique d’ Al Qaida. Al Qaida dont les spécialistes du terrorisme ne peuvent donner que des définitions négatives: elle est sans tête et sans visage, sans stratégie prévisible, sans objectif repérable sinon de tout déstabiliser. Protéiforme et mutante, insaissable et mortelle, imprévisible et d’une cruauté inhumaine elle renvoie chacun à sa terreur la plus archaique: celle de l’informe. Contre cela que pouvons -nous? Nous sommes peu nombreux, pacifiques ce qui ne signifie pas pacifistes, sans moyen. Il me semble pourtant qu’ il est possible par des articles et par des conférences d’ introduire cette idée qu’ il n’ y a rien à comprendre du terrorisme si ce n’ est qu’ il faut le combattre, chercher à l’ expliquer, c’ est déjà en être victime. Cette violence qui met des bombes à la place des arguments n’ a en fait rien à dire, elle cherche au contraire à frapper le monde de mutisme. De même que la longueur de la jupe de la victime ne peut en rien expliquer le passage à l’acte du violeur; de même la liberté d’exister et de vivre selon son envie ne peut en rien rendre compte de la détermination haineuse du terroriste. Remettons dans l’ ordre cause et effet: la répression , les débordements et les excès de cette répression s’ ils ne sont en rien justifiables sont tout de même à mettre au compte du terrorisme. C ‘est la violence et l’ urgence à laquelle nous confronte le terrorisme qui met à jour les limites de la démocratie laquelle est amenée à utiliser la force pour perdurer. Plus nous serons nombreux à dénoncer le terrorisme pour ce qu’ il est , mieux nous pourrons éviter les dévoiements de la répression. Ne doutons pas de nous -même et de notre aptitude à résister à la barbarie.Lise Haddad © mpctasso.org